Lalaland Coup de coeur

J'ai aimé, j'aime Lalaland, le film de Damien Chazelle. Je l'ai vu deux fois et je compte bien le revoir une troisième. Seul Christophe Honoré avait osé proposer une comédie musicale audacieuse et moderne, "Les Chansons d'Amour".

Chazelle revendique ouvertement le passé, flamboyant avec Minelli, léger et mélancolique avec Demy.

Ce film est une fête de couleurs qui éclatent sur l'écran, de musiques et de mouvements de caméra qui donnent envie de danser, un pas de deux, des claquettes, une valse amoureuse, et aussi de fredonner un air triste et entêtant à la Michel Legrand.

Une histoire d'amour ?  Bien sûr! Entre un jeune pianiste, Sebastian (Ryan Gosling), fou de jazz pur, qui rêve, contre la mode des bars à sambas et à tapas, de créer un vrai club de jazz, et une comédienne-auteure, Mia (Emma Stone) qui rêve de devenir actrice de cinéma et d'écrire pour le théâtre. Et ceci se passe à Hollywood ( L.A.) décor de trompe-l'œil et de vie trépidante et frelatée. Affres des castings méprisants et des petits cachets dans des bars ou des restaurants où nul ne vous écoute.

Le vrai sujet du film est bien celui des passions, des désirs à réaliser, de l'authenticité en soi à préserver.

Passion du cinéma. Au milieu du film, une séquence intense. Sebastian désire faire découvrir à Mia "Rebell without a cause" (la Fureur de vivre) et il lui donne rendez-vous dans un vieux cinéma, le Rialto. Elle vient de passer un casting humiliant mais sourit en pensant qu'elle va le retrouver. Elle arrive en retard, la salle est noire, le film a commencé. Elle le cherche et monte sur l'estrade devant l'écran où l'on devine la présence de James Dean. Le projecteur du film l'illumine et découpe son visage dans la lumière. Il la découvre, ébloui comme devant une apparition, une star. Elle va s'asseoir près de lui, leurs mains se cherchent. Sur l'écran, une voiture noire des années 50 arrive devant le planétarium et c'est la plus belle scène de "La Fureur de vivre".

Commentaire célèbre sur l'univers en voix off. Soudain la pellicule s'embrase et se consume. C'est alors qu'elle a cette idée très belle : leur voiture va les conduire devant le même planétarium et sous la coupole géante, dans cet espace circulaire, entre les télescopes et le ciel étoilé, la magie de la comédie musicale se déploie. Ils s'envolent et les voilà qui dansent et caressent les nuages.

Par son goût de la forme, de l'artifice, Chazelle se place sous la lumière de Minelli et de Demy à la fois.

Le film s'ouvre de façon ébouriffante sur une autoroute près de L.A.  Un énorme embouteillage se transforme en ballet hyper coloré et survolté. Les figurants sortent des voitures et se mettent à danser. Vêtements acidulés, très jaunes, très rouges, très bleus, voitures idem. Eux-mêmes  sont maigres ou gros, blancs ou noirs. Ce ne sont pas des stars. Mais la danse  métamorphose la réalité. La musique est alors très rythmée. Elle se fait parfois rêveuse et c'est un leitmotiv au piano, léger et mélancolique qui glisse tout au long du film.

Ryan Gosling danse avec élégance, seul ou à deux, comme Fred Astaire. Il chante d'une voix particulière, un peu grise, voilée, sourde. Le ciel est rose sur le ponton. Il esquisse une valse "City of stars"... c'est très doux et déjà nostalgique.

L'histoire d'amour finit mal, comme dans "Les Parapluies de Cherbourg", comme dans "Café Society" de Woody Allen.

Tous deux ont réussi à être à la hauteur de leurs rêves. Il est devenu un musicien célèbre et a réussi à ouvrir un vrai club de jazz réputé à L.A. Elle est devenue une actrice reconnue, une auteure appréciée. Mais ils ont dû accepter tous deux d'aller à l'étranger, de se séparer malgré leur amour.

Cinq années ont passé. Elle est mariée avec un autre, mère d'une petite fille. elle semble heureuse.

Un soir, ayant entendu une mélodie familière, elle entre dans un club de jazz, le "Seb", avec son mari. Sebastian la voit. Isolé dans la lumière du projecteur, il joue leur air. La caméra revient sur elle, l'isole à son tour. Mia revoit toutes ces années mais les transforme. Seb prend la place de son mari dans ses bras. Tout ce qu'ils ont vécu ensemble a réussi, c'est lui qu'elle a épousé et dont elle a eu un enfant, c'est à son bras qu'elle entre dans le club de jazz. Ce qui avait été une bousculade sèche devient magiquement un baiser passionné.

Mais la vie est passée.

Retour à la réalité.

Ils s'aiment toujours, le savent mais ne se reverront pas.

Fin de Café Society, fin des parapluies de Cherbourg. Les notes claquent. Le rythme revient, la danse.

Fin.